Chapitre 4eme
Paranoia ②
Entre rêve et réalité, j'ouvris les yeux pour découvrir que j'étais allongé sur le parquet de ma chambre.
Je ne savais pas quoi écrire. J'avais un commentaire à rendre à mon professeur de littérature étrangère, mais j'étais incapable d'aligner trois mots sur le papier. Deux jours que j'essayais de me plonger dans l'étude de Madame Bovary mais il n'y avait rien à faire, Emma refusait de m'aider.
Un long soupire traversa la barrière de mes lèvres et je posai mon stylo. Je laissai ma tête basculer en arrière alors que mon dos entrait en contact avec le dossier bien trop dur de ma chaise de bureau. J'étais épuisé. Trois jours que je n'avais pas dormi. Trois jours que les images de l'autre soir me revenaient en tête me brouillant l'esprit et m'empêchant de retrouver les bras de Morphée. Mon côté sceptique et logique me disait que je n'avais aucune raison d'avoir peur de m'endormir, mais mon cœur semblait d'un tout autre avis. A chaque fois c'était la même chose. Je m'allongeais dans une position confortable, respirais lentement, naturellement mes paupières se fermaient mais quelques secondes plus tard, le noir se remplissait d'images sordides, mon cœur s'emballait et la nausée me prenait.
J'avais finalement décidé de mettre ce temps à profit, et d'essayer de travailler, cela me changerait peut-être les idées.
Il me fallut une nuit et un peu de la matinée pour terminer les quatre cent soixante-dix-neuf pages de l'oeuvre de Gustave Flaubert. Mais l'analyse se trouvait être bien plus compliquée que ce que je ne l'avais imaginé. Deux jours que je tournais et retournais le livre dans tous les sens. Deux jours que je remplissais des feuilles de phrases dénuées de sens. Incapable de faire quoi que ce soit, j'avais même manqué les cours. Et c'était bien une chose inhabituelle. Jamais je n'avais raté une journée. Jamais une seule classe depuis que j'étais scolarisé. Mais là, j'étais beaucoup trop fatigué et perturbé. Jamais je n'avais autant manqué de logique et de bon sens, jamais je n'avais raté un devoir, jamais je n'avais été aussi en retard sur un projet. Et je n'osais même plus sortir de chez moi.
Lentement mes paupières se fermèrent d'elles mêmes et je sentis mon corps se ramollir contre l'assise de mon siège. Le sommeil semblait enfin vouloir venir me chercher, comme quoi travailler, ou tout du moins essayer, n'était pas une si mauvaise idée.
Je laissai mes mains glisser de part et d'autre de mon corps alors que chacun de mes muscles se relâchaient lentement. Mon esprit s'embrouillait plus encore et il m'était maintenant impossible de réfléchir. C'était une sensation enivrante que de retrouver le sommeil après plus de soixante heures passées sans. Je ne sentais rien, j'étais agréablement léger et vide. Aucune pensée noire, aucune image macabre. J'étais si léger que j'avais l'impression de tomber, ou de voler. Mais c'est alors que je sentis un énorme choc contre mon dos et ma tête, suivi d'un bruit sourd. Je me réveillai en sursaut, c'était comme si l'on m'avait frappé avec une immense planche de bois. J'ouvris les yeux pour découvrir, à ma plus grand surprise, que j'étais réellement tombé, que cette impression d'être en train de chuter n'en était pas une. Ma chaise avait étrangement basculé en arrière et j'avais heurté le sol. Heureusement aucun objet susceptible de me briser la nuque n'était disposé derrière moi, ce qui était un véritable miracle étant donné l'état lamentable de mon appartement.
Allongé sur le sol je regardais autour de moi, comme privé de toute force pour ne serait-ce que descendre de la chaise qui me torturait le dos. Et c'est comme ça que mes yeux se posèrent sur le cartable que je n'avais pas rendu, le cartable de Félix. Il était simplement posé au sol contre le mur, entre deux piles de livres dont j'avais depuis longtemps terminé la lecture.
" Je devrais peut être te rendre à ton propriétaire..." Dis-je d'une voix morne et cassée par le manque de repos.
Je rempai jusqu'au sac, incapable de faire mieux et m'assis face à ce dernier. Je le regardai quelques instants, me souvenant du visage si spécial de son propriétaire. Je me souvenais tout particulièrement de la multitude de taches de rousseur qui habillaient délicatement sa peau si pâle. Bien que la pâleur eusse sûrement été causée par les événements. Mais c'était ce visage, candide mais adulte, fascinant et perturbant, calme et pourtant troublé, qui était resté gravé dans ma mémoire.
Je pris la sacoche en cuir et l'ouvris. C'était la première fois que je me le permettais. La fatigue devait sûrement me désinhiber. Je ne sais par quel miracle, mais ses affaires étaient intactes. L'eau n'avait pas traversé et les livres étaient parfaitement conservés. Une chance pour lui. Je pris un carnet au hasard et l'ouvris. Je fus très surpris lorsque je vis le croquis anatomique d'une femme. C'était vraiment magnifiquement réalisé, les traits étaient d'une finesse et les proportions parfaitement respectées. Je me demandai alors s'il avait eu un modèle, s'il prenait des cours. Je feuilletais ce carnet rempli d'oeuvres toutes plus magnifiques les unes que les autres, toutes plus colorées les unes que les autres. Il y avait bien sûr quelques ratés, mais en règle générale ses dessins étaient sublimes et dégageaient une véritable sensibilité, une joie de vivre inouïe. Je fus profondément touché en regardant ses œuvres. Comme si elles me parlaient au plus profond, comme si elles avaient le pouvoir d'apaiser mon âme et mon esprit.
Pris d'un élan inconnu, je fermai le carnet et fouillai à la recherche d'une quelconque adresse où j'aurai pu déposer ce cartable pour le rendre à son propriétaire. Mais mes recherches furent vaines. Les seules informations que j'avais pu récoltés étaient qu'il s'appelait Lee Félix, qu'il avait un don pour l'art, qu'il était en classe de terminale C et qu'il n'avait pas eu une bonne note à son dernier contrôle de mathématiques.
Je rangeai ses affaires rapidement et me levai en m'aidant du mur. J'eu alors une révélation, qui n'en était pas vraiment une puisque je venais de trouver la carte dans ma poche, L'herboristerie. C'était le seul endroit que nous avions en commun. J'irai alors, après m'être préparé, et y déposerai la sacoche en espérant que le jeune blond aux tâches de rousseur s'y rendrait. Ce fut à l'époque la solution qui me parut la plus logique.
Sans perdre de temps et sachant très bien que de toutes façons je n'aurai pas eu fini ce devoir aujourd'hui, je me préparai.
Cartable en main, j'allais dans les rues encore humides de cette ville qui avant me paraissait si chaleureuse et maintenant si froide. Mon rythme était rapide car je ne voulais croiser personne. J'avais déjà rencontré madame No sur le palier et son regard accusateur sur mon visage cerné ne m'avait pas aidé à me sentir mieux. Cette dame qui était pourtant si gentille avec tout le monde, ne me portait pas dans son cœur pour une raison qui m'était et me resterait complètement inconnue. Peut-être avais-je une tête qui ne lui revenait simplement pas ou alors ressemblais-je à quelqu'un qu'elle n'aimait pas, je ne le saurais jamais.
Heureusement en cette heure matinale, les rues étaient vides, seuls les commerçants qui s'apprêtaient à ouvrir étaient là, à se presser de tout nettoyer avant l'arrivée des premiers clients.
Je n'empruntai pas le même chemin que d'habitude, je ne voulais en aucun cas passer près de la fameuse ruelle où, trois jours auparavant, Félix et moi avions été témoins de cette scène abominable qui me hantait. Une partie de mon être espérait que le blond ne fût pas autant affecté que moi, qu'il eût réussi à dormir, à reprendre une vie normale. J'espérais aussi qu'il ne fût pas seul comme je l'étais. Qu'il eût une famille sur qui compter, une famille veillant sur lui. Des parents aimants et gentils qui prissent soin de lui. Je ne lui souhaitais pas de vivre ce que je vivais. Bien qu'une partie égoïste de moi-même voulait que je ne fusse pas le seul à pâtir de cette expérience. Comme si savoir que nous étions aux moins deux à souffrir eût pu m'aider à me sentir mieux.
Le trajet dura bien plus longtemps à cause du détour mais étrangement, les rues ne semblaient pas vouloir se remplir. J'avançais seul dans des allées désertes. Je sentis alors comme une impression de déjà-vu. Une rue vide, mes bruits de pas résonnant contre le sol pavé. Je regardai le ciel comme par réflexe. De gros nuages gris étaient charriés par le vent, un vent glacial. Tout recommençait. Je luttais contre moi même, essayant de garder mon calme, mais voilà que le tonnerre se fit entendre.
" Il n'y a aucune raison que je ne la revois. Aucune. Aucune." Essayais-je de me convaincre en serrant le cartable de cuir brun dans mes mains moites.
Il ne manquait plus que les pas de Félix qui me suivaient et la scène était la même, seulement dans une autre rue. Moi, homme de science, et athé, me surpris à prier pour ne pas entendre le bruit des souliers d'homme sur le pavé. Mais c'était comme si le sort s'acharnait contre moi.
Un toc, puis un autre et encore un autre et bientôt mes bruit de pas étaient suivis par ceux d'une autre personne. Ma tête tournait et je manquais d'air. J'accélérai la cadence, priant pour que tout s'arrête, que la boutique soit là, qu'elle m'ouvre ses bras chaleureux et accueillants. Mais les pas ne cessaient et suivaient étrangement mon rythme. Je ralentissait, ils ralentissaient, j'accélérais, ils accéléraient aussi. Pris de doutes, je me stoppai complètement. Plus aucun bruit ne se faisait entendre. Un calme assourdissant. Lentement je me retournai. Horreur. Il n'y avait personne, j'étais seul... Et je l'avais toujours été.
" Excusez-moi ? " Une voix quelque peu familière dans mon dos me fit sursauter et tourner les talons précipitamment. Je n'avais vu personne, qui pouvait bien m'appeler. Je découvris alors l'herboriste face à moi. Il avait toujours son large sourire et ses allures princières. Ses cheveux bruns étaient légèrement en pagaille mais son style était bien soigné. Il portait une chemise de coton blanc agrémenté d'un collier en or dont le pendant représentait un arbre. Par dessus sa chemise il portait un élégant gilet bleu fumé dont les revers du col étaient du même blanc pur que la chemise. En guise de pantalon il avait encore opté pour une coupe droite du même bleu fumé, dans lequel venait se loger sa chemise. Je ne savais pas pourquoi mais cet homme m'impressionnait d'une certaine manière. Il ne paraissait pas plus vieux que moi mais il dégageait cette aura supérieure, presque sage.
Mon coeur s'apaisa et je retrouvai mon souffle quand je compris que j'avais sûrement rêvé les événements plus tôt.
" Oui ?" Lui répondis-je le plus calmement possible, bien que je ne puisse complètement cacher ma surprise.
" Vous êtes le jeune homme de l'autre jour n'est-ce pas ? Vous apportez le cartable de l'autre garçon ? C'est gentil de votre part, je vous attendais. Mais venez plutôt à l'intérieur, vous avez l'air épuisé. Je vais vous faire une bonne tasse de thé." Dit-il alors sur un ton calme, mais 'étrangement ses yeux ne semblaient pas me regarder. C'était comme s'il observait quelque chose derrière moi. Un frisson me parcouru alors que cette idée me traversait l'esprit, et si je n'avais pas rêvé finalement et si quelqu'un me suivait bel et bien.
Je n'eu pas le temps de répondre quoi que ce soit que sa main se posa dans mon dos et il m'invita à entrer dans la boutique.
Je me tenais juste à côté de celle-ci et je ne l'avais même pas vu. Cette fois-ci j'eu le temps de regarder la façade quelques instants avant de me retrouver poussé à l'intérieur. Il y avait une grande vitrine remplie d'étagères elles mêmes remplies de flacons en tout genre contenant des plantes et autres ingrédients. Le bois qui entourait la vitrine était finement sculpté et remontait en quelques jolies arabesques qui entouraient les mots en grosses lettres dorées " Huang, Herboristerie ".
Je n'eu guère plus le temps de détailler la devanture que je retrouvai déjà l'intérieur chaud et sec. Des senteurs de plante séchées et d'encens flottaient dans l'air. Je redécouvrais cette endroit. C'était vraiment un bel établissement. Tout était bien entretenu et décoré avec un goût certain.
Je restai à observer autour de moi quelques instants avant que la voix du jeune herboriste ne me sorte de mes pensés.
" Attendez moi là, je reviens avec du thé. Vous pouvez vous asseoir sur le fauteuil là bas." Dit-il en montrant du doigt la chaise que Félix avait utilisé.
Il revint quelques minutes plus tard avec deux grandes tasses fumantes. Une douce odeur de fruits rouges me caressa les narines. Il posa les deux contenants en céramique sur le comptoir contre lequel il s'appuya. Je me tournai vers lui prenant lentement la tasse entre mes doigts. La chaleur me brûlait presque mais c'était tout de même agréable. Réconfortant pour être plus juste. Je regardais la vapeur s'élever du liquide sans véritablement savoir quoi dire. J'avais presque oublié ce pourquoi j'étais là en premier lieu. Mon esprit était étrangement vide.
" L'autre jeune homme, Félix je crois, n'est pas encore venu. Peut-être n'a-t-il pas eu le temps. Mais je suis sûr qu'il viendra. Vous pouvez donc me laisser son cartable, je le lui remettrai. "
Je relevai mon regard vers lui. Son visage était toujours aussi serein et calme.
" C'est vrai, le cartable. "
Je reposai donc la tasse sur le bois vernis et pris le sac de cuir abîmé. J'hésitai un instant à le remettre au brun. J'aurais voulu le lui rendre moi même. A vrai dire, ce Félix piquait ma curiosité. En plus de vouloir savoir comment il allait, je voulais lui parler de ses dessins, le féliciter pour leur beauté et peut être discuter d'art avec lui. C'était une chose inédite car jamais je n'avais souhaité la compagnie d'un autre, mais aujourd'hui les choses étaient différentes. J'ignorai si c'était lui ou juste la solitude face au trauma qui me poussait à rechercher sa compagnie, mais la vérité était là, je voulais le revoir.
" Il n'aurait pas laissé son adresse par hasard ? "
Demandai-je, plein d'espoirs, peut être aurais-je pu lui porter le sac moi même.
" Malheureusement non... je doute fort qu'il aurait eu la force de ne parler guère plus. Un agent l'a raccompagné chez lui peu de temps après que vous ne soyez parti avec les deux autres. "
Je ne pus refréner une moue de déception. Finalement je tends le sac au jeune homme qui le prit, un petit sourire toujours dessiné sur ses lèvres. C'était impressionnant à quel point il paraissait constamment courtois et aimable.
" Mais vous pouvez peut-être me donner votre adresse ou un mot et je le lui remettrai quand il viendra. Car quelque chose me dit que vous aimeriez bien le revoir. Ais-je tort ?"
Je rougis alors légèrement, honteux de devoir l'avouer. Cet herboriste était sacrément perspicace, à un point où c'en était presque effrayant.
Je repris la tasse dans mes mains et après avoir siroté une légère gorgée j'acquiesçai.
" Vous avez raison en effet. J'ai quelques questions à lui poser voyez-vous et je suis aussi curieux de savoir s'il arrive à se remettre des évènements. Personnellement... "
Je ne terminai pas ma phrase, celle-ci parlant d'elle même. Je bus un peu plus de la boisson qui me brûlait la gorge, mais son arôme fruité et délicat, me fit vite oublier ce désagrément.
Sans que je ne m'y attende il posa un papier et un stylo devant moi et m'invita à écrire ce que je souhaitais transmettre au plus jeune.
D'une écriture simple et lisible j'y inscrivis alors ces quelques mots :
" Voici vos affaires. Je ne sais par quel miracle elles ont été sauvées de la pluie mais elles sont intactes. J'aurais voulu vous les remettre en main propre mais les circonstances font que cela m'est impossible.
Si vous souhaitez tout de même entrer en contact avec moi, je vous laisse mon nom et mon adresse ci-dessous.
Seo ChangBin
13 Jong-ro, Donui-dong, Jongno-gu, Seoul.
J'espère sincèrement avoir de vos nouvelles, cordialement, Seo ChangBin."
Je pliai le papier en deux et le lui donnai. Un silence s'en suivi.
Je me souvins soudainement de la deuxième raison de ma venue ici. J'avais été impressionné par l'efficacité du remède qu'il avait administré au plus jeune et avais espéré qu'il ai un quelconque sédatif qui puisse m'aider à retrouver le sommeil.
" Auriez-vous une poudre ou une concoction somnifère à me prescrire ? "
Le brun à la canine désaxée ne sembla pas surpris le moins du monde par ma requête et il sortit un petit sachet de sous le comptoir. C'était véritablement comme s'il avait tout prévu. Un frisson me parcouru de la tête aux pieds et je le regardai avec un air abasourdi.
Il me tendit la pochette, son sourire perpétuellement scotché sur ses lèvres. Je me levai donc en terminant ma boisson puis attrapai le sachet d'une main alors que l'autre reposait la tasse.
" Ne vous faites pas d'idées, c'est juste que beaucoup de clients nous demandent des somnifères. Celui-ci est plutôt puissant mais sans accoutumance. Cela dit, n'en abusez pas. Il pourrait y avoir quelques effets secondaires comme la nausée et des maux de ventre s'il est prit à forte dose. Pour le prendre c'est simple, mettez une demi cuillère à café de cette poudre dans un grand verre d'eau tiède, mélangez bien et buvez le avant d'aller vous coucher. Si vous n'avez pas mangé trop gras cela devrait faire effet dans les minutes qui suivent. Sinon, prenez un autre verre une demi heure plus tard. "
J'écoutais ses instruction avec attention, notant mentalement chaque détail. Il expliquait de façon claire, j'aimais ça.
" Merci beaucoup monsieur Huang. "
Il sembla surpris, presque offusqué par la façon dont je l'avais appelé. Naturellement je pinçai les lèvres, mal à l'aise. Non pas que je fus habituellement quelqu'un à vraiment faire attention à la façon dont je m'adresse aux autres, mais cet homme imposait le respect.
" Je vous en supplie, nous avons à peu près le même âge. Appelez moi simplement Renjun. "
Après avoir échangé quelques mots et payé pour le médicament, je rentrai chez moi. Il était encore tôt et les gros nuages qui habillaient le ciel auparavant avaient tous disparus pour laisser place à un bleu azur pur. Je marchais lentement. J'étais un peu apaisé et la fatigue en profita pour revenir en flèche. Je repris le chemin qui me faisait faire un détour mais les bruits de la ville pleinement éveillée maintenaient mon esprit hors de cette cage noire remplie d'images morbides.
Mes pas étaient lents mais j'étais bientôt arrivé. Les rues étaient presque vide. Je ne croisais que quelques passants. Je voyais déjà la petite table qui se trouvait devant mon bâtiment. Cette petite table où madame No prenait le thé avec son fils. Mais là ce n'était pas madame No assise sur la chaise. Je n'arrivais pas à distinguer qui était cette personne. Elle était comme floue. Ou alors était-ce la fatigue qui me brouillait la vue mais j'arrivais quand même à distinguer une jeune femme.
J'accélérai un peu, curieux de savoir ce que faisait cette personne et surtout qui était-elle. Elle était penchée au dessus de la table les deux mains posées sur cette dernière et se balançait légèrement d'avant en arrière.
Une brise glacée me traversa de part en part. J'étais proche, peut-être quarante mètres, mais elle me paraissait toujours aussi floue. Je fus envahis par un étrange sentiment. Aurais-je dû fuir ?
Vingt mètres. Elle stoppa tout mouvement et moi aussi. Il n'y avait plus aucun bruit. Seulement ma respiration lente, sonore et le battement de mon cœur, rapide et régulier. J'avais l'impression d'être enfermé dans ma propre tête.
La jeune femme se leva avec une lenteur terrible. Sans comprendre comment ni pourquoi, je me retrouvai d'un coup à seulement cinq petits mètres de cette.... J'étais incapable de la définir car je la voyais sans la voir. J'étais paralysé. Dans l'impossibilité de faire le moindre mouvement. Un froid glacial me gelait les entrailles et cette femme... Cette femme ne bougeait toujours pas. L'instant était comme figé.
Je ne sais pas combien de temps je restai ainsi, mais cela me paru une éternité. J'avais si froid que j'en avais mal.
Peu à peu et avec une mollesse impensable, la tête de la femme se tourna enfin vers moi, mais j'aurai aimé qu'elle ne l'eût pas fait. Son visage n'en était pas un. Une large parcelle de peau le recouvrait. Toujours avec cette mollesse sa mâchoire s'étira tirant sur la peau laissant transparaître la forme d'un trou à la place qu'aurait dû prendre sa bouche. Un cri perçant traversa mon crâne. Je crus mourir, mais ce que je voyais me maintenait conscient. La peau se déforma d'elle même et s'enfonça là où des yeux étaient sensés se trouver, jusqu'à ce que ça ne soit que deux larges cavités sombres d'où un liquide rougeâtre et épais coulait.
Le cri ne cessait pas et ma tête tournait. Je voulais vomir, je voulais partir, je voulais faire n'importe quoi mais, une chose était certaine, je ne voulais absolument plus voir son "visage". Finalement je sentis mon corps s'effondrer sur le sol.
Entre rêve et réalité, j'ouvris les yeux pour découvrir que j'étais allongé sur le parquet de ma chambre.
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